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Religion amaziɣ
La religion amaziɣe est l’ensemble ancien et indigène de croyances auxquelles adhèrent les imaziɣenes. La présence ancienne de religiosité, en Afrique du Nord, remonte à la protohistoire, voir la préhistoire, et il ne fut jamais complètement submergé par le judaïsme, ni le christianisme, puis pas même par l’islam.
La religion des Nord africains est une juxtaposition, un syncrétisme et une stratification de croyances développées localement, qui ont influencé et ont été influencées ou empruntées au fil du temps par le contact avec d’autres peuples et d’autres religions : pendant la haute antiquité à l’Egypte ancienne et pendant l’antiquité aux phéniciens, aux romains, au judaïsme , à la mythologie ibérique, à la religion hellénistique, au christianisme, aux religions africaines, à la religion musulmane de l’Arabie pendant la période médiévale, et plus proche de nous au wahabisme sous influence saoudienne et américaine.
Les croyances populaires originelles des imaziɣenes plusieurs fois millénaires, qui existent encore aujourd’hui subtilement dans la culture et les traditions populaires nord africaines sont profondément ancrées dans les âmes et ne disparaîtront jamais totalement. Les travaux ethnographiques et ethnologiques portant sur l’Algérie ont décrit ces nombreux rites et pratiques, les qualifiant de « survivances », de « cultes anciens ». Ces rites et pratiques qui ont survécu, continuent de persister, de vivre dans la culture populaire alors que l’Algérie est islamisée depuis de nombreux siècles.
Il faut souligner que les religions dites révélées, abrahamiques ou monothéistes (juive, chrétienne et musulmane) empruntent leurs motifs, leurs thématiques et plusieurs catégories de leur dogmes à la pensée mythologique. Aussi, elles ont bien, récupéré à leur compte bien des faits, des pratiques, des croyances et des récits des peuples conquis ne leur appartenant pas et parfois même jugés païens ou idolâtres par elles. D’ailleurs elles ont emprunté la majorité de leurs littératures mythologiques aux autres religions attestées avant elles comme les mythes du déluge, de la genèse, de l’ascension, etc.
En Afrique du Nord, depuis l’antiquité, la population a été en partie d’abord judaïsés, puis christianisés et enfin islamisés dans un syncrétisme savamment cultivé et revendiqué à jamais. Par exemple, il est à constater que dans les contes et mythes amaziɣs locaux, certains des héros ont été tout simplement remplacés par des saints chrétiens et par la suite des saints musulmans.
Chaque religion a récupéré à son compte et selon ses besoins ce qui était déjà attesté avant son avènement. Beaucoup n’y ont vu là qu’une simple faiblesse de caractère chez le peuple amaziɣ. La pérennité du peuple amaziɣ et celle de sa langue et de sa culture démontrent le contraire. En réalité, en adoptant les religions venues d’ailleurs, nombreux sont les imaziɣenes qui ne se sont jamais détachés de celle de leurs ancêtres.
Donc et contrairement aux idées répandues, la religion musulmane n’a pas affecté totalement les anciennes croyances et religions préislamiques qui survit dans nombre de récits mythiques et de rites souvent islamisés et encore connu aujourd’hui, dans un certain syncrétisme qui donne sa spécificité à la religion amaziɣo-musulmane nord-africaine.
Les imaziɣenes se souviennent toujours de ces croyances, mythes et rites qui imprègnent la tradition orale qui subsistent toujours à travers différentes pratiques plus ou moins sacrées, et se déclinent sous différentes formes avec un mélange assez hétérogène des différents phénomènes. Le sacré est diffus dans la nature et se concrétise tantôt sur un rocher, tantôt sur un arbre, un génie où frappé de son sceau un homme, saint ou un marabout. Nous pouvons citer brièvement les rites agraires et les croyances liées au calendrier agricole (yenneyer, anẓar, Amagar n’Tafsuth), les pratiques sacrificielles (timecreṭ, tafaska, asfel), les rites funéraires (asensi), les cultes rendus à différents éléments de la nature (pierres, rochers, sources, arbres) ; ces éléments, considérés comme le siège du sacré, sont souvent érigés au rang de puissances tutélaires (iεessasen) et sont aujourd’hui encore, l’objet d’une véritable dévotion. Ces cultes et pratiques constituent le socle anthropologique d’une représentation du monde antérieure à l’Islam, voire même aux trois religions monothéistes.
La mythologie ne peut être considérée que comme un aspect de la religion. C’est l’objet de ce travail, qui a comme objectif de faire connaître cette partie méconnue (mythologie) de la pratique religieuse, complètement fondue dans la religion musulmane, restée dans l’ombre ou dans l’intimité de ses détenteurs, ou bien qui continue à subsister en parallèle, car les religieux musulmans ne reconnaissent pas aux mythes leur « religiosité » et leur « véracité » en les qualifiant de résidus de paganisme car la seule et unique vérité et la seule et unique religion sont, selon eux, celles véhiculées par le saint Coran. Alors que la vérité est multiple.
En plus de la présentation de la mythologie amaziɣe avec ses croyances, ses rites et son panthéon, ce travail nous a également poussé à investiguer des champs souvent présentés comme ne faisant pas partie de la mythologie alors qu’ils y empruntent bien des thèmes, des motifs et des archétypes. Nous pouvons citer la culture des saints avec le maraboutisme ou le chérifisme avec le rapport aux ancêtres (généalogies) et aux morts, les célébrations et fêtes, et la vie spirituelle d’une façon très générale notamment les confréries religieuses.