Aujourd’hui, Meursault est mort. Tel est le titre et telle est la première phrase de mon nouvel ouvrage.
Voilà longtemps, en publiant un roman noir, chez l’inestimable François Guérif, L’homme de la première phrase (Ed. Rivages / Noir, 2000), j’étais loin de penser qu’un jour j’allais en commettre une, de première, en hommage à Albert Camus…
Il s’agit, ici, non pas vraiment d’un roman mais d’une essai-fiction, menant à un « dialogue implicite » avec l’auteur de L’étranger. L’expression est de Camus lui-même, parlant des échanges, dans La chute, entre Clamence et un interlocuteur imaginaire. Mon livre, lui, s’ouvre sur l’exécution de Meursault, en quelque sorte dans la continuité de L’étranger.
Alger, place Barberousse. Un homme, trench-coat et feutre noir, assiste à la mise à mort. Celle-ci est retransmise sur un écran géant (sic). Après l’exécution, l’homme s’éloigne de la foule (…) Il remarque la présence d’un étrange personnage qui se tient en retrait, juché sur un étal de marchand de quatre saisons… Ses gestes de bateleur, ses mèches folles lui rappellent un jeune Arabe qu’il croise parfois dans son quartier de Belcourt, rue de Lyon (côtés pairs ; rue Belouizdad côté impairs !)… Intrigué, il n’hésite pas à l’aborder. Tout en allumant une cigarette, il lui demande si, lui aussi, il était venu pour que Meursault se sentît moins seul, selon sa dernière volonté. Le jeune homme, sur un clin d’œil de connivence, lui répond : « Vous connaissez le proverbe arabe qui dit : « le menteur, accompagne-le jusqu’au seuil de sa porte » ? Eh bien, c’est ce que j’ai voulu faire !… Vous savez bien qu’il y avait plus d’un menteur au tribunal, y compris parmi les juges ! Alors, je vous le dis, à vous précisément : Meursault n’a pas tué un Arabe anonyme, sans nom et sans visage, il a tué mon père, monsieur Albert ! » (L’homme au chapeau se fige, la cigarette coincée entre les dents)…
Dès lors, Monsieur Albert et le « fils de l’Arabe » ne se quitteront plus… Comme Clamence, dans La chute, dialogue avec son interlocuteur imaginaire, en déambulant dans Amsterdam, mon bateleur dialoguera avec Camus en déambulant dans Alger, mais l’Alger de toutes les époques !… Les répliques attribuées par mon héros à Monsieur Albert sont en fait tirées ou inspirées des écrits ou des prises de position de Camus lui-même (qui, dans le texte, n’est jamais appelé par son nom).